La libération de la Corse (nom de code : opération Vésuve) pendant la Seconde Guerre mondiale est une opération militaire effectuée du au par l'Armée française, à l'initiative du général Henri Giraud, alors coprésident du CFLN, contre l'avis du général de Gaulle, lui aussi coprésident du CFLN, qui trouvait l'opération risquée et voulait attendre un accord et une aide substantielle des Alliés.
Les opérations ont été faites par une partie de l'Armée française de la Libération, avec l'assistance des Maquis corses et la complicité des Forces armées italiennes d'occupation,. La Corse devient alors une base d'aviation pour les Alliés, facilitant la libération de l’Italie commencée quelques mois auparavant et devant s'intensifier. Cette opération qui est le premier acte de la Libération de la France, met ainsi fin à une année d'occupation de l'île par les forces de l'Axe.
La zone libre fut envahie le (opération Anton) par les Allemands et les Italiens à la suite du débarquement allié en Afrique du Nord le 8. Les Italiens occupèrent alors, à l'exception des départements du Rhône et des Bouches-du-Rhône, l'Est du Rhône ainsi que la Corse, violant l'accord passé avec le maréchal Pétain lors de l'armistice du 24 juin 1940.
Les prémices de cette libération remontent au mois de décembre 1942. À cette époque, les Alliés étaient fermement installés en Afrique du Nord. Le général Giraud choisit donc d'envoyer en Corse une première mission dirigée par le commandant de Saulle. Cette action de reconnaissance prit fin en avril 1943. À ce moment, le commandant Paulin Colonna d'Istria débarqua à son tour dans l'île pour unifier la Résistance et préparer le débarquement allié. À partir du , les Corses prirent donc leur destin en main. Et au 13 mai 1943, toute l'Afrique Française du Nord était libérée après la victoire des Alliés Américains, Anglais et Français, en Tunisie.
Près de 85 000 soldats des forces armées italiennes occupaient l'île. L'armée de Vichy, bien que plutôt hostile aux Italiens, n'avait pas la possibilité de contester cette occupation sous peine de rompre l'armistice. Les résistants corses menèrent une insurrection contre les Italiens en juin et juillet 1943 mais celle-ci fut durement réprimée par l'OVRA, la police politique fasciste italienne, et par les chemises noires. 860 Corses furent arrêtés et déportés en Italie et 3 autres partisans du Front national furent exécutés le à Bastia par un tribunal de guerre fasciste.
Après le débarquement allié en Italie, l'Italie signa un armistice le , alors que Benito Mussolini avait été arrêté le 25 juillet et que le roi Victor-Emmanuel III avait repris le pouvoir. L'Italie passa dès lors dans le camp des Alliés. Le général Magli commandant les 80 000 hommes des troupes d'occupation italiennes en Corse ordonna à ses troupes de considérer les Allemands comme des ennemis.
Les Allemands occupaient principalement le Sud de l'île et tentaient de désarmer les unités italiennes. La Corse relevait d'une importance stratégique, servant de base aérienne et maritime pour les opérations de l'Axe en Méditerranée, notamment pour évacuer leurs troupes d'Europe du Sud. La Sardaigne fut évacuée à l'été 1943 par les Allemands en raison des bombardements alliés incessants sur l'île. Dès lors, les Français libres pouvaient concentrer leurs efforts sur la libération de la Corse.
La résistance intérieure (maquis) joua aussi un rôle non négligeable, avec des figures comme François Vittori, chef d'État-Major des FTP de Corse.
Après l'armistice du 8 septembre, le général Magli reçoit le commandant français libre Colonna d'Istria pour se mettre d'accord sur des plans opérationnels communs. Le Comité de libération occupe la préfecture d'Ajaccio et contraint le préfet de Vichy à signer le ralliement de la Corse au Comité français de la Libération nationale, le CFLN.
À Bastia, les Italiens ouvrent le feu contre des avions et des navires allemands. Le , se déroule la bataille navale de Pietracorbara, dans le port de Bastia, le destroyer Aliseo, sous le commandement du capitaine Carlo Fecia di Cossato (it), avec la corvette Cormorano, réussit dans une action héroïque à couler sept navires allemands, en endommageant trois autres,.
Le village de Levie Alta Rocca se lève face aux soldats de la division SS Reichsführer ; cet acte lui vaut d'être honoré par l'attribution de la croix de guerre avec palme et une citation à l'ordre de l'armée. Dès le , les résistants corses et les soldats italiens attaquent les troupes allemandes qui avaient commencé leur mouvement en direction du sud. Pendant plus de dix jours, ces derniers mènent une lutte sans merci. Malgré les contre-attaques, l'exécution de deux résistants insulaires et l'ultimatum allemand menaçant de raser le village, les insulaires se maintiennent sur le terrain au prix de dix morts et plus de dix blessés avant l'arrivée des Forces françaises libres. Grâce aux habiles dispositions prises, au calme de ses chefs et au courage de tous, les Allemands rebroussent chemin, laissant plus de 200 morts, environ 400 blessés, 20 prisonniers, plus de 30 véhicules blindés, des armes, des munitions et des vivres.
À partir du 11, le général Giraud, ayant nommé le général Henry Martin commandant interarmées et interalliés avec pour mission de libérer la Corse, envoie de son propre chef 109 hommes du bataillon de choc sous les ordres de Gambiez à bord du sous-marin Casabianca commandé par le capitaine de frégate Jean L'Herminier. Le sous-marin Casabianca arrivent à 1h le 13 aux abords de Ajaccio. Le bataillon de choc débarque dans le port d'Ajaccio dans la nuit.
Dès le lendemain, dans la nuit du 13 au 14, et jusqu'à la fin septembre, l'acheminement massif de matériels et de troupes entre Alger et Ajaccio, reposant sur plusieurs milliers de goumiers et tirailleurs marocains, est effectué par la 10e division de croiseurs légers, avec Le Fantasque et Le Terrible, commandée par le capitaine de vaisseau Perzo, avec la contribution occasionnelle des croiseurs Jeanne d'Arc et Montcalm et des torpilleurs Alcyon et Tempête. Le colonel Deleuze délégué de l'état-major du 1er corps d'armée débarque aussi dans la nuit. Le général Giraud en informe le CFLN qui lui reproche le noyautage de l'île par les communistes du mouvement Front national. Le général Giraud paiera de la perte de la coprésidence du CFLN le fait d'avoir mené cette opération de sa seule initiative, sans en avoir informé au préalable le CFLN dont il faisait partie, bien que celui-ci le félicite pour sa réussite et lui laisse les mains libres pour terminer l'opération.
L'offensive de l'Armée française de la Libération débute le 14, lorsque 6 600 soldats de la 4e division marocaine de montagne sont débarqués à Ajaccio depuis Alger, soutenus par la Royal Air Force et l'United States Army Air Forces afin d'intercepter les unités allemandes en pleine débâcle. L'opération maritime de débarquement, effectuée sous la responsabilité de la 10e D.C.L., permet également de conduire sur l'île, dès le , le nouveau préfet de Corse nommé par le CFLN, Charles Luizet. Parmi les FFL, un marin corse décrit l'opération :
— Marin Corse, Témoignage
Le 17, le colonel Deleuze rencontre le général italien Magli à Ajaccio puis à Corte afin de coordonner les mouvements des troupes alliées et italiennes. Le 21, Giraud arrive en Corse. Sartène est définitivement libérée le 22. Un bataillon de choc américain de 400 hommes rejoint également les forces françaises.
Le 18, le bataillon de choc se scinde en deux pour venir aider des partisans dans la région de Levie et pour affronter les troupes ennemies près de Porto-Vecchio.
Le 20 et 21, diverses unités débarquent comme le 1er RTM et une partie du 2e GTM pour soutenir les troupes déjà arrivées. Le général Giraud se rend à Ajaccio pour coordonner les futures opérations sur Bastia.
Le 22, le général Louchet installe son PC à Corte. Le bataillon de choc poursuit son avancée.
Le 23, les troupes de choc et les résistants corses atteignent Porto-Vecchio. Les troupes italiennes de la division d'infanterie Friuli joueront un rôle déterminant, avec la participation des troupes coloniales marocaines, en prenant le col de San Stefano le puis le col de Teghime le . Le 23 septembre, Giraud retourne à Alger.
Le 24, une partie du bataillon de choc progresse à l'est de Saint-Florent tandis que des éléments du 2e GTM avancent vers Ponte-Leccia.
Le 29, le 2e GTM et un escadron de char du 4e RSM s'installent à Casta. Casta que rejoint le général Martin dans la nuit.
Durant la nuit séparant le 29 et le 30 septembre, les assauts sur Bastia commencent. L'objectif est d'empêcher les troupes allemandes de s'enfuir en Italie. Les combats commencent avec les 1er et 6e Tabors qui atteignent le col de Saint-Léonard pour ensuite poursuivre vers Patrimonio. En parallèle, une compagnie du bataillon de choc explore le Cap Corse à la recherche de troupes ennemies. Le 1er RTM prend le contrôle du col de San-Stefano. Une nouvelle rencontre est organisée avec le général Magli mais cette fois-ci avec la présence en personne du général Martin mais aussi du général Peake alors représentant du commandement en chef des troupes alliés.
Le 1er octobre les assauts se poursuivent. Le 1er RTM atteint le col de San-Antonio. Le Tabor rejoint l'ouest de la cime Orcacio avant de revenir sur Serra-Di-Pigno. Sur le Cap Corse, le bataillon de choc repousse des troupes ennemies vers Porticciolo et Pietracorbara et pacifie la région de Parimonio.
Le 2, le col de Teghime est évacué par les Allemands ainsi que Santa-Severa. Sur le front Sud, les ennemis évacuent la Barchetta. Le 1er Tabor atteint la cime Orcaio et le 1er RTM tient le col de Sant-Antonio. Le général Louchet déplace son PC à Saint-Florent.
Le 3, le 1er RTM prend position à Furiani et des avant-gardes blindés de reconnaissance du 4e RSM atteignent Pino. Les Tabors poussent vers Cadro.
Le 4 octobre 1943, le 73e goum du 6e Tabor entre dans Bastia à 5h45 suivi du bataillon de choc et du 1er RTM puis de l'escadron de reconnaissance du 4e RSM. L'arrière-garde ennemie avait abandonné une importante quantité de matériel en fuyant peu avant l'arrivée des Français. Dès lors, les combats cessent dans l'ensemble de la Corse.
Le 5 octobre, la Corse devient le premier département de France métropolitaine libéré après le soulèvement de la population et par l'action conjointe des résistants corses, des Italiens et des éléments de l'Armée d'Afrique et sans véritable intervention des Anglo-Américains qui continuent leur offensive en Italie au même moment. Les pertes allemandes lors de la libération s'élèvent à environ 700 tués et blessés et 350 capturés. Les Italiens perdent de 600 à 800 soldats tués et ont 2 000 blessés, dont de nombreux membres de la division Friuli. Les Français subissent 75 tués, 239 blessés et 12 disparus.
Le à Ajaccio, le général de Gaulle s'exclame : « La Corse a la fortune et l'honneur d'être le premier morceau libéré de la France »,. L'île devient une base de l'United States Army Air Forces et de l'United States Navy pour la poursuite des opérations en Italie puis pour le débarquement de Provence (août 1944) et aura un surnom, l’USS Corsica.
Giraud n'avait pas prévenu le général De Gaulle de l'opération, car il visait une revanche politique sur de Gaulle par une victoire militaire : préparée dès , avec des livraisons d'armes à la Résistance locale dès , la libération de la Corse avait donné lieu à des contacts entre Giraud et Eisenhower. Giraud avait nommé le le capitaine de gendarmerie Paulin Colonna d'Istria coordonnateur militaire des groupes de résistance, particulièrement le Front national d'Arthur Giovoni, dirigé par les communistes. Il prenait contact avec eux aussi en zone Sud. De Gaulle n'est prévenu que lorsque l'opération a été déclenchée par les résistants et Giraud. Il est particulièrement irrité et, dans un entretien orageux, il reproche notamment à Giraud d'avoir laissé le « monopole » aux chefs communistes. Cette erreur permet à de Gaulle de transformer cette victoire militaire en défaite politique pour Giraud. De Gaulle entreprend de retirer à Giraud ce qui lui reste d'autorité au sein du CFLN. Le , une large majorité du CFLN réduit les pouvoirs de Giraud ; ce dernier refuse tout d'abord d'accepter cette décision, puis s'incline au bout d'une semaine, ne conservant le contreseing que pour les ordonnances et les décrets.
Le Parti communiste de Corse tire un prestige considérable de son action dans la résistance et, dès la fin de l'année 1943, dispose d'une influence politique majeure sur l'île. Il est à la tête de la préfecture et administre 260 municipalités sur 320, tandis que ses militants sont près de 10 000 en 1946. Le général De Gaulle décide alors de reprendre la main et favorise le retour en grâce des anciennes gloires politiques insulaires, dont notamment Paul Giacobbi, qui sera élu premier président du conseil départemental de l'après-guerre.
La libération de la Corse est peu connue du grand public, occultée dans la mémoire collective par le débarquement de Provence et surtout par le débarquement de Normandie. Pour cette raison, le député de Corse (2007-2017) Sauveur Gandolfi-Scheit a mené une campagne pour que cet événement soit explicitement mentionné dans les livres d'histoire.
Le 70e anniversaire est commémoré par le président de la République François Hollande en en présence de soldats marocains ayant permis cette libération, qu'il décore de la Légion d'honneur. Ernest Bonacoscia fut le seul ancien résistant corse présent, et aucun soldat italien ne fut convié à cette commémoration.
Au total, l'estimation des victimes de ces combats s'établit ainsi :
L'inscription de bataille Corse 1943 est attribuée aux drapeaux des :
Un monument situé au col de Teghime rend hommage aux goumiers marocains :
La commune de Barbaggio, où s'est déroulée la bataille du col de Teghime opposant le 2e GTM du colonel Boyer de Latour du Moulin à des forces allemandes défendant le passage, l'a honoré en donnant son nom à la place du village.
— Le Général Louchet – Commandant l’infanterie de la 4e DMM au général De Lorenzis commandant la division Friuli
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