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Duška Sifnios (en macédonien : Душанка "Душка" Сифниос) est une danseuse yougoslave née à Skopje le et morte à Bruxelles le .
Élève de Nina Kirsanova, Leonid Lavrovski, Assaf Messerer et Victor Gsovsky, elle débute en 1951 à l'Opéra de Belgrade et en devient la prima ballerina. Elle danse dans diverses compagnies européennes, dont le Ballet de Milorad Miskovitch en 1959 et le Ballet Europeo de Léonide Massine l'année suivante.
De 1961 à 1972, elle est l'une des plus brillantes interprètes de Maurice Béjart au Ballet du XXe siècle. Il crée notamment pour elle le rôle féminin de Boléro (1961).
Elle est la mère de l'actrice belge Alexandra Vandernoot.
Alexandra Vandernoot, née à Uccle en Belgique le , est une actrice belge issue d'une famille d'artistes. Son père André Vandernoot était un chef d'orchestre belge, et sa mère, Dushanka Sifnios dite Duška Sifnios était une danseuse d'origine macédonienne.
Alexandra Vandernoot entame des études d'art dramatique au Conservatoire royal de Bruxelles. Dès la remise de son diplôme, elle se lance dans le théâtre.
Elle est surtout connue internationalement pour son rôle de la fiancée de Duncan MacLeod, Tessa Noël, dans la série fantastique canado-européenne Highlander. Elle a beaucoup tourné dans des productions françaises notamment sous la direction de Francis Veber dans Le Jaguar en 1996, Le Dîner de cons en 1998 et Le Placard en 2000.
Elle se fait connaitre en France en incarnant Angèle, le premier rôle de la saga d'été Tramontane en 1999 qui rencontre un succès populaire conséquent, en réunissant plus de neuf millions de téléspectateurs à chaque épisode.
Elle incarne Mathilde Mallet Delcourt dans la saga Le Bleu de l'océan, qui fut le « succès de l'été » 2003 sur TF1, un rôle à l'opposé de celui d'Angèle.
En 2020, elle joue le double rôle de Pénélope et Catherine dans la saison 2 de la série Family Business aux côtés de Jonathan Cohen pour Netflix.
En 2022 et 2024, elle joue le rôle d'Annabelle Cardone, cheffe rigide et autoritaire, dans la série quotidienne Ici tout commence.
Alexandra Vandernoot partage la vie du réalisateur Bernard Uzan. Elle a deux enfants, un garçon, Léo, né en 1995, et une fille, Julia, née en 2003.
Maurice Béjart, nom de scène de Maurice-Jean Berger, né le à Marseille (France) et mort le à Lausanne (Suisse), est un danseur et chorégraphe franco-suisse.
Fondateur et directeur de la compagnie Ballet du xxe siècle créée en 1960 à Bruxelles (puis transférée à Lausanne), Maurice Béjart est considéré comme l'un des principaux et des plus novateurs chorégraphes de danse moderne développant son langage chorégraphique tant sur les bases de la danse académique que sur les courants néoclassiques. Il mêle les univers musicaux, lyriques, théâtraux et chorégraphiques, mettant en valeur les qualités individuelles de ses solistes au sein de mouvements d'ensemble. Même s'il a eu beaucoup de détracteurs, dont ses pairs qui le jugeaient trop classique ou tout du moins lui reprochaient de s'être arrêté dans ses recherches chorégraphiques pour satisfaire le plus grand nombre, il a néanmoins énormément contribué à la promotion de la danse moderne en France et en Belgique dans les années 1970, notamment grâce aux générations de chorégraphes qu'il a formées à l'École Mudra.
Il a été membre de l'Académie des beaux-arts française (section des membres libres) de 1994 jusqu'à sa mort.
Maurice Jean Berger est le fils du philosophe Gaston Berger. Sa mère meurt lorsqu'il a sept ans. Il prend alors des cours de danse sur les conseils d'un médecin pour se fortifier et rêve de devenir torero. Il fait parallèlement ses études secondaires et universitaires et obtient une licence de philosophie.
Après avoir assisté à un récital de Serge Lifar, il décide de se consacrer entièrement à la danse. Il entre à quatorze ans à l'Opéra de Marseille puis part en 1946 à Paris où il suit les cours de Lioubov Iegorova, de Rousanne Sarkissian au Studio Wacker et de Léo Staats. Il commence sa carrière de danseur à Vichy en 1946 et la poursuit auprès des danseuses Janine Charrat et Yvette Chauviré, puis avec Roland Petit à partir de 1948.
En hommage à Molière, il prend comme pseudonyme celui de l'épouse de ce dernier, Armande Béjart. En 1951, il collabore avec Birgit Cullberg et crée son premier ballet, L’Inconnu, à Stockholm, puis règle L'Oiseau de feu. En 1955, il crée Symphonie pour un homme seul sur une musique de Pierre Henry et Pierre Schaeffer, avec sa première compagnie fondée en 1953, les Ballets de l'Étoile, qui lui vaut les honneurs de la presse et du public.
En 1959, n'obtenant pas l'aide de l'État français pour établir sa troupe dans un théâtre, Maurice Béjart quitte la France pour la Belgique où il travaillera durant vingt-sept ans. À la demande de Maurice Huisman, alors directeur du Théâtre royal de la Monnaie, il crée en 1959 à Bruxelles sa plus célèbre chorégraphie, Le Sacre du printemps. Le contrat temporaire qui lie Béjart à La Monnaie va se transformer en un contrat de plusieurs années et entraîner la naissance du Ballet du XXe siècle en 1960. Maurice Béjart va parcourir le monde entier avec celui-ci et initier un vaste public de néophytes à la danse moderne.
L'année même de la création de la compagnie, Béjart monte avec la danseuse Duška Sifnios le Boléro de Maurice Ravel qui devient une de ses chorégraphies emblématiques. Après Tania Bari, Suzanne Farrell, Louba Dobrievic, Anouchka Babkine, Angèle Albrecht et Shonach Mirk, Jorge Donn reprendra le rôle, qui sera alors dansé indifféremment par un homme ou par une femme.
Dans les années 1960-1961, Maurice Béjart propose la création à Bruxelles, dans le cadre du Théâtre de la Monnaie et dans le prolongement du Conservatoire de danse, d'une école de danse pour les petits rats, intégrant, outre les cours de danse, la formation scolaire obligatoire et une éducation artistique. Ce projet n'aboutira pas; plusieurs années plus tard, des options danse sont ajoutées à l'enseignement scolaire traditionnel, ce qui a donné les « humanités chorégraphiques ».
En 1964, Paris l'accueille avec Hector Berlioz pour La Damnation de Faust et deux ans plus tard Roméo et Juliette. En 1967, le Festival d'Avignon s'ouvre à la danse et invite Maurice Béjart et son Ballet du XXe siècle à se produire dans la cour d'honneur du palais des Papes. Béjart et sa troupe présentent une pièce majeure de son répertoire : la Messe pour le temps présent, sur une musique composée par Pierre Henry et Michel Colombier. La pièce est rejouée l'année suivante à Avignon et connaît un énorme succès.
En 1970, il fonde l'École Mudra à Bruxelles sous la direction artistique de Micha van Hoecke afin de dispenser des cours de danse à des jeunes talents dans cet art. Cet enseignement formera de nombreux danseurs et chorégraphes qui participeront activement à l'essor de la danse contemporaine en Europe. On peut par exemple citer Maguy Marin ou Anne Teresa De Keersmaeker. En 1977, il ouvre l'école Mudra-Afrique à Dakar, honorant ainsi la mémoire de son arrière-grand-mère sénégalaise Fatou Diagne, grand-mère du philosophe métis Gaston Berger, né à Saint-Louis-du-Sénégal.
Durant des années 1970, Maurice Béjart s'investit dans le répertoire chorégraphique persan. Ses créations vont dès lors être présentées au Festival des arts de Chiraz-Persépolis et bénéficier du soutien de la Chahbanou Farah Pahlavi. De cette relation avec l'impératrice d'Iran naissent deux créations : Golestan, une commande du Festival créée en 1973, et Farah, une commande du Ballet du XXe siècle créée en 1976 a Bruxelles. Toutes les deux sont basées sur la musique traditionnelle iranienne. Golestan (« La roseraie »), s'inspire du chef-d'œuvre de Saadi, tandis que le second est un hommage à la Shahbanou. Pour la circonstance, Maurice Béjart travaille avec les musiciens iraniens du Centre de préservation et de propagation de musique iranienne, établi par la télévision nationale iranienne.
Influencé par son expérience iranienne, il se rapproche de l'islam chiite à la suite de sa rencontre avec Ostad Elahi et « se convertit » à cette religion en 1973 (il déclarera cependant en 2006 : « Se convertir est un verbe qui ne me convient pas »). Maurice Béjart reconnaît que cette expérience a joué un rôle déterminant dans sa carrière, tant d'un point de vue artistique que spirituel.
En 1986, il entre violemment en conflit avec le danseur Rudolf Noureev, alors directeur artistique du ballet de l'Opéra de Paris : le , à l'issue de la création de son ballet Arepo, Maurice Béjart, alors chorégraphe invité à l'Opéra de Paris, nomme Manuel Legris et Éric Vu-An danseurs étoiles, sans en avoir le droit. Rudolf Noureev contraint Maurice Béjart à faire marche arrière.
En 1987, au terme d'un conflit ouvert avec le directeur de La Monnaie Gerard Mortier, Béjart, en pleine tournée à Léningrad, décide de quitter Bruxelles. Comme la Fondation Philip Morris lui propose de venir s'installer en Suisse, à Lausanne où celle-ci est établie, Béjart dissout le Ballet du XXe siècle et fonde six semaines plus tard une nouvelle compagnie, le Béjart Ballet Lausanne.
En 1988, par le biais d'une visite officielle à son École Mudra à Bruxelles, puis par une nomination du chorégraphe comme Grand Officier de l'Ordre de la Couronne, le roi Baudouin de Belgique rend encore hommage à la réussite belge du créateur.
Un an après le départ de Maurice Béjart et la disparition du Ballet du XXe siècle, l'École Mudra ferme aussi ses portes. Mais en 1992, l'industriel Philippe Braunschweig (fondateur du prix de Lausanne) et la Fondation Philipp-Morris permettent à Béjart de rouvrir à Lausanne l'École-atelier Mudra, qui dispense depuis cette date une formation complète de danseur sur deux années. Elle est une des écoles les plus prestigieuses dans le milieu de la danse classique et contemporaine.
En 1998, il est condamné pour plagiat, son spectacle Le Presbytère contenant une scène copiée de La Chute d'Icare du chorégraphe belge Frédéric Flamand.
Avant sa mort, Maurice Béjart a créé la Fondation Maurice-Béjart, qu'il a instituée héritière par testament de tous ses biens et en particulier des droits d'auteur sur ses œuvres (chorégraphie, livres, etc.). Par la gestion et les revenus de ces droits, la Fondation Maurice Béjart réunit les moyens financiers destinés à remplir les buts qu'a définis Maurice Béjart, soit de :
Bien qu'il ait quitté définitivement la Belgique en 1987, il lui reste profondément attaché. Un peu plus d'un mois avant sa mort, il a formé le projet de demander la naturalisation belge. À ce titre, Michel Robert révèle une lettre de Maurice Béjart destinée (mais jamais parvenue) au consulat de Belgique à Genève : « Si je demande aujourd'hui ma naturalisation belge, c'est parce que je me suis toujours senti proche de la Belgique, bien plus proche que de la France qui est pourtant le pays où je suis né. J'ai vécu en Belgique la plus longue période de ma vie, trente ans ! Je pense qu'aujourd'hui est venu le temps d'officialiser cette relation indéfectible. Que je puisse enfin lire dans les dictionnaires et les biographies qui me sont consacrés, Maurice Béjart, chorégraphe belge, c'est là mon souhait le plus sincère ». Bien qu'introduite auprès du Ministère des Affaires étrangères du Royaume de Belgique, cette demande de naturalisation fut éteinte par le décès du chorégraphe.
En revanche, Maurice Béjart a demandé et obtenu en 2007 – peu avant son décès – la nationalité suisse. En raison du titre de « bourgeois (citoyen) d'honneur » de la ville de Lausanne précédemment octroyé, l'assentiment de la Confédération et du canton de Vaud lui a ainsi conféré la nationalité suisse. Il conserve également la nationalité française.
Malade depuis plusieurs années, il est hospitalisé à l'hôpital universitaire de Lausanne (CHUV), en pour des affections cardiaques et rénales. Malgré tout, il suit les répétitions de son dernier spectacle Le tour du monde en 80 minutes, spectacle dont il ne verra pas la première. Il meurt dans la nuit du , entouré de ses danseurs. Incinéré, ses cendres seront dispersées à sa demande sur les plages d'Ostende en Belgique, son pays d'adoption.
À l’annonce du décès de Maurice Béjart, le , l’idée de créer une Maison Maurice Béjart en Belgique se fait jour rapidement. Fondation d'utilité publique créée à l'instigation du gouvernement belge en par Jacques De Decker, André Jaumotte et Michel Robert, la Maison Maurice Béjart (MBH) a pour but de promouvoir la postérité de l'œuvre du célèbre chorégraphe et la danse en général. C'est la maison où Béjart vécut pendant plus de vingt ans à Bruxelles. Son comité d'honneur est composé de personnalités belges et françaises parmi lesquelles l'acteur Daniel Auteuil, l'ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt et l'écrivain Éric-Emmanuel Schmitt.
En 2017, le chorégraphe Walid Aouni, qui travailla longtemps pour Maurice Béjart, est nommé commissaire artistique pour la Maison Maurice Béjart à l'occasion de la grande exposition « Béjart et le jardin des roses » en .
Le théâtre royal de la Monnaie avait, avant l'arrivée de Béjart à Bruxelles, une petite troupe de danseurs classiques avec pour étoiles Dolorès Laga et André Leclair. Le projet de Maurice Huisman étant de monter un Sacre du printemps qui dépasserait le niveau des chorégraphies précédentes, et la troupe de Béjart ne comportant que douze danseurs, Huisman engage une jeune troupe anglaise, le Western Theatre Ballet et les trois groupes fusionnent pour la création du Sacre. Plusieurs de ces danseurs constituent ensuite la base du Ballet du XXe siècle.
Pour améliorer le niveau technique de la compagnie, la direction de la Monnaie fait appel au Russe Assaf Messerer. Sur le plan musical, André Vandernoot va assurer des années durant la direction musicale des ballets.
Il a également collaboré avec la metteur en scène Anne Delbée.
Le Ballet du XXe siècle n'avait pas d'« étoiles » comme dans les autres grandes compagnies et le chorégraphe a éclipsé les artistes. Les danseuses et danseurs solistes qui lui ont permis de réaliser ses premiers ballets à Bruxelles et de connaître la notoriété sont :
Le Boléro de Maurice Ravel est une musique de ballet pour orchestre en ut majeur composée en 1928 et créée le 22 novembre de la même année à l’Opéra Garnier par sa dédicataire, la danseuse russe Ida Rubinstein. Mouvement de danse au rythme et au tempo invariables, à la mélodie uniforme et répétitive, le Boléro de Ravel tire ses seuls éléments de variation des effets d’orchestration, d’un crescendo graduel et, in extremis, d’une courte modulation en mi majeur.
Cette œuvre singulière, que Ravel disait considérer comme une simple étude d’orchestration, a connu en quelques mois un succès planétaire qui en a fait son œuvre la plus célèbre et, de nos jours encore, une des pages de musique savante les plus jouées dans le monde. Mais l'immense popularité du Boléro tend à masquer l'ampleur de son originalité et les véritables desseins de son auteur.
L'œuvre porte la référence M.81, dans le catalogue des œuvres du compositeur établi par le musicologue Marcel Marnat.
Le Boléro est une des dernières œuvres écrites par Maurice Ravel avant l'atteinte cérébrale qui le condamna au silence à partir de 1933. Seuls l'orchestration du Menuet antique (1929), les deux concertos pour piano et orchestre pour la main gauche (1929–1930) et en sol majeur (1929–1931) et les trois chansons de Don Quichotte à Dulcinée (1932–1933) lui sont postérieurs.
Année faste pour la musique, 1928 vit aussi la naissance du Quatuor à cordes no 4 de Bartók, du Quatuor à cordes no 2 de Janáček, du Concerto pour clarinette de Nielsen, de la Symphonie no 3 de Prokofiev, des Variations pour orchestre de Schönberg, du Baiser de la fée et d'Apollon musagète de Stravinsky.
Le Boléro est une œuvre de commande. À la fin de 1927, Ravel, dont la réputation était depuis longtemps internationale, venait d’achever sa Sonate pour violon et piano et s'apprêtait à effectuer une tournée de concerts de quatre mois aux États-Unis et au Canada quand son amie et mécène Ida Rubinstein, ancienne égérie des Ballets russes de Diaghilev, lui demanda un « ballet de caractère espagnol » qu’elle comptait représenter avec sa troupe à la fin de 1928,. Ravel, qui n’avait plus composé pour le ballet depuis La Valse en 1919 et dont les derniers grands succès scéniques remontaient à Ma mère l'Oye et aux Valses nobles et sentimentales en 1912, fut enthousiasmé par cette idée et envisagea d'abord, en accord avec sa dédicataire, d’orchestrer six pièces extraites de la suite pour piano Iberia du compositeur espagnol Isaac Albéniz. Mais à la fin de juin 1928, alors qu’il avait commencé le travail (le ballet devait au départ s’appeler Fandango), il fut averti par son ami Joaquín Nin que les droits d’Iberia étaient la propriété exclusive d'Enrique Arbós, directeur de l'orchestre symphonique de Madrid et ancien disciple d’Albéniz, et qu'ils étaient déjà en cours d'exploitation pour un ballet destiné à La Argentina. D'abord sceptique, Ravel pris au dépourvu pensa à contrecœur abandonner ce projet. Joaquín Nin témoigna de la déception de Ravel :
« Le ballet comme le scénario et la musique étaient couverts et protégés par un formidable réseau de traités, de signatures et de copyright invulnérables. Personne au monde – sauf ce cher Enrique Arbós – ne pouvait s’attaquer aux Iberia d’Albéniz. […] Ravel ne cachait plus son mécontentement : “Ma saison est fichue”, “Ces lois sont idiotes”, “J’ai besoin de travailler”, “Orchestrer les Iberia c’était un amusement pour moi”, “Qui est-ce donc cet Arbós ?”, “Et quoi dire à Ida ?... Elle sera furieuse…” et ainsi de suite toute la journée. J’ai rarement vu Ravel plus nerveux et plus contrarié. »
Apprenant l’embarras de son confrère, Arbós aurait proposé de lui céder gracieusement ses droits sur Iberia, mais Ravel avait déjà changé d'idée. Il était revenu à un projet expérimental qui avait germé en lui quelques années plus tôt : « Pas de forme proprement dite, pas de développement, pas ou presque pas de modulation ; un thème genre Padilla, du rythme et de l’orchestre », écrivit-il à Nin durant l’été 1928. Pour ce qui est du rythme, le fandango initial laissa la place à un boléro, autre danse traditionnelle andalouse. La naissance présumée de la mélodie est rapportée dans le témoignage d'un confrère et ami de Ravel, Gustave Samazeuilh, qui lui rendit visite à Saint-Jean-de-Luz à l’été 1928. Il raconta comment le compositeur, avant d’aller nager un matin, lui aurait joué un thème avec un seul doigt au piano en lui expliquant :
« Mme Rubinstein me demande un ballet. Ne trouvez-vous pas que ce thème a de l’insistance ? Je m'en vais essayer de le redire un bon nombre de fois sans aucun développement en graduant de mon mieux mon orchestre. »
L'éditeur de musique Jacques Durand, réjoui que Ravel compose une œuvre entièrement nouvelle, pressa le compositeur d'achever le ballet pour le début de la saison 1928-1929. Ravel composa son Boléro entre juillet et octobre 1928, et le dédia à sa commanditaire Ida Rubinstein.
Le ballet, baptisé simplement Boléro, fut créé le au théâtre national de l’Opéra sous la direction de Walther Straram. Le spectacle, assuré par l'orchestre Straram et les ballets d'Ida Rubinstein, comportait trois divertissements chorégraphiques en première représentation : dans l'ordre Les Noces de Psyché et de l'Amour, sur une orchestration par Arthur Honegger du Prélude et fugue en do majeur, BWV 545, de Bach, La Bien-aimée, adaptée de thèmes de Schubert et Liszt par Darius Milhaud, enfin Boléro sur la musique originale de Maurice Ravel. La chorégraphie de Boléro était l'œuvre de Bronislava Nijinska. Alexandre Benois avait conçu les costumes et les décors, ces derniers confiés pour leur exécution à Oreste Allegri. Sur fond de bar espagnol, Ida Rubinstein, accompagnée de 20 danseurs parmi lesquels Viltzak, Dolinoff, Lapitzky et Ungerer, exécuta une chorégraphie très sensuelle, dont l'uniformité et l'intensité suivaient celles de la musique « avec la monotonie de l'obsession ». Le musicologue Henri de Curzon décrivit la première en ces termes :
« Une posada, à peine éclairée. Le long des murs, dans l’ombre, des buveurs attablés, qui causent entre eux ; au centre, une grande table, sur laquelle la danseuse essaie un pas. Avec une certaine noblesse d’abord, ce pas s’affermit, répète un rythme… Les buveurs n’y prêtent aucune attention, mais, peu à peu, leurs oreilles se dressent, leurs yeux s’animent. Peu à peu, l’obsession du rythme les gagne ; ils se lèvent, ils s’approchent, ils entourent la table, ils s’enfièvrent autour de la danseuse... qui finit en apothéose. Nous étions un peu comme les buveurs, ce soir de novembre 1928. Nous ne saisissions pas d’abord le sens de la chose ; puis nous en avons compris l’esprit. »
L'Opéra Garnier fit salle comble pour la première, qui attira notamment Diaghilev, Stravinsky, Misia Sert, la princesse de Polignac et Maïakovski. Si Diaghilev, qu'Ida Rubinstein n'avait pas invité, critiqua sévèrement les décors, la chorégraphie et la prestation de son ancienne danseuse, la création du ballet valut tant à l'œuvre qu'à son auteur un accueil très enthousiaste de la critique parisienne (voir infra). Ravel, alors en tournée au Portugal et en Espagne avec la cantatrice Madeleine Grey et le violoniste Claude Lévy, n'assista pas à la création et ne revint que pour la troisième représentation, le 29 novembre. Boléro fut redonné par les ballets de Rubinstein, chaque fois avec un grand succès public, en décembre à Bruxelles puis, en 1929, à Monte-Carlo en janvier, à Vienne en février', à Milan en mars, à nouveau à Paris en mai, sous la direction de Ravel lui-même et en présence de Prokofiev,, puis à Londres en juillet 1931'. Ravel lui-même fut invité à diriger l'orchestre. Le musicologue Willi Reich, qui assista à la représentation viennoise en 1929, rapporta :
« Avec une indifférence quasi démoniaque, Ida Rubinstein tournoyait sans arrêt, dans ce rythme stéréotypé, sur une immense table ronde d'auberge, cependant qu'à ses pieds les hommes exprimant une passion déchaînée, se frappaient jusqu'au sang. Ravel lui-même était au pupitre, soulignant par ses gestes brefs et précis l'élément automatique de l'action scénique, gestes moins appropriés à conduire l'orchestre qu'à exprimer l'immense tension intérieure de la composition. Jamais je n'ai vu un homme vivre plus intensément la musique, sous une apparence placide, que Maurice Ravel conduisant son Boléro ce soir-là. »
La version de concert du Boléro fut créée par le New York Philharmonic au Carnegie Hall à New York le 14 novembre 1929, sous la direction d'Arturo Toscanini, et reprise le 6 décembre de la même année par Serge Koussevitzky à la tête du Boston Symphony orchestra,. La création new-yorkaise fut triomphale et la critique du New York Times, signée par Olin Downes, fut dithyrambique pour Ravel dont fut notée « l'orchestration extraordinaire ». Fait exceptionnel pour une œuvre récente, le Boléro fut joué en rappel, hors programme, dès décembre 1929. De fait, le succès du Boléro aux États-Unis fut inhabituellement rapide pour une œuvre de musique symphonique, au point qu'on envisagea de le mettre en paroles pour en faire un chant populaire. En France, la première audition du Boléro au concert eut lieu salle Gaveau le par les Concerts-Lamoureux, Albert Wolff laissant Ravel lui-même diriger l'orchestre et créer le même jour l'orchestration de son propre Menuet antique,,.
Libérée des contraintes scéniques, l'œuvre passa au répertoire des plus grands chefs d'orchestre de l'époque : Wilhelm Furtwängler, Serge Koussevitzky, Clemens Krauss, Willem Mengelberg, Pierre Monteux, Leopold Stokowski et Arturo Toscanini, notamment, l'inscrivirent à leur programme et le jouèrent dans le monde entier, suscitant un engouement public considérable,,. Ravel en fut le premier étonné, lui qui avait espéré que son œuvre serait, au moins, « un morceau dont ne s’empareraient pas les concerts du dimanche ». Les chefs d’orchestre, qui y voyaient un terrain de travail propice en même temps qu’une source facile de gloire, s’emparèrent vite du Boléro et tentèrent, pour certains, de lui laisser leur empreinte, ce qui ne fut pas du goût du compositeur. Lors d'un concert à l'Opéra Garnier le 4 mai 1930, le grand maestro italien Arturo Toscanini, à la tête de l'orchestre philharmonique de New York, prit la liberté d’exécuter le Boléro deux fois plus vite que prescrit et avec un accelerando final,',,. Cette représentation, dont le triomphe eut un écho jusqu'aux États-Unis, contraria Ravel au point qu'il refusa de se lever à l'ovation et s’expliqua avec le chef d'orchestre dans les coulisses,. Toscanini aurait poussé l’affront jusqu’à lui expliquer : « Vous ne comprenez rien à votre musique. C’était le seul moyen de la faire passer ». Ravel, qui admirait Toscanini, regretta plus tard cette altercation, mais les deux hommes ne se rencontrèrent plus jamais. Par la suite, certains chefs d'orchestre, dont Philippe Gaubert, laissèrent la baguette à Ravel lui-même quand le Boléro figurait au programme.
Le Boléro fut gravé sur 78 tours et radiodiffusé dès 1930, ce qui contribua à le diffuser, en quelques mois, dans le monde entier. Ravel lui-même en supervisa cette année-là un enregistrement sous sa direction avec les Concerts-Lamoureux, dont il se déclara très satisfait, et qui fut considéré dès l'époque comme celui fixant le mieux ses intentions : Wilhelm Furtwängler notamment l'utilisa comme référence quand il dirigea l'œuvre à Berlin en novembre 1930.
Le Boléro reçut un accueil largement favorable de la presse nationale au lendemain de sa création. Sous la plume d'Henry Malherbe, Le Temps parla dès le 24 novembre 1928 d'un « chef-d'œuvre véritable » et d'un « exercice d'une virtuosité instrumentale sans seconde » ; Le Figaro souligna les « dons singuliers » de Ravel et estima que ce nouvel opus ajoutait « à l'œuvre d'un de nos compositeurs les mieux réputés, quelques pages vivantes, colorées, lancinantes, narquoises aussi, avec une expression supérieure d'indifférence feinte et d'ardeur masquée qui est le comble de l'art vainqueur » ; pour Le Matin, « le synchronisme étroit de la danse et des intentions de la musique produit une puissante impression » ; dans Comœdia, Pierre Lalo, jadis très virulent envers la musique de Ravel, jugea que « la seule sonorité de l'orchestre de M. Ravel est un plaisir. Ce n'est pas que son Bolero soit grand'chose, mais le musicien y paraît dès la première mesure », avant de conclure que « la valeur de la chose écrite dépend de la valeur de l'homme qui l'écrit » ; dans Excelsior, Émile Vuillermoz fit l'éloge de l'orchestration de Ravel : « Toute l'habileté de notre rhétorique classique serait incapable de nous faire accepter vingt variations rythmiques, mélodiques et contrapuntiques sur un thème de ce genre. Ravel a trouvé le moyen non seulement d'éviter toute monotonie, mais d'éveiller jusqu'au bout un intérêt toujours croissant, en répétant vingt fois (sic) son thème comme un motif de frise, en demandant à la seule magie de la couleur vingt changements d'éclairage qui nous conduisent, émerveillés, d'un bout à l'autre de ce paradoxe musical. Il n'y a pas, dans toute l'histoire de la musique, un exemple d'une virtuosité pareille » ; dans Candide, le même Vuillermoz ajouta quelques jours plus tard qu'il voyait dans le Boléro « le triomphe de la maîtrise technique » et « un tour de force éblouissant » ; enfin pour Jane Catulle-Mendès, dans La Presse : « Boléro, argument et musique de M. Maurice Ravel, est un délice d'élégance, d'art choisi et délicat, un bibelot musical ravissant. Presque rien. Un danseur qui bondit, une phrase de plus en plus amplifiée qui l'inspire et le soulève. Et c'est parfait. »
Quelques critiques furent plus nuancées. Dans L'Écho de Paris, le musicographe Adolphe Boschot jugea : « le Boléro, malgré un pittoresque décor, est un petit rien qui dure trop longtemps. Une vingtaine de mesures se répètent plus de cent ou deux cents fois (sic)... Heureusement pour M. Maurice Ravel, il a écrit d'autres œuvres. Quant à la danse, elle évoque une Espagne bien languissante ». Pour Raoul Brunel dans L'Œuvre, « Rien de ce qu'écrit ce grand musicien n'est indifférent. Mais, cette fois, il semble avoir voulu tenir une gageure. (...) C'est un jeu curieux, mais ce n'est qu'un jeu ».
Dans les années 1930, Florent Schmitt, ancien condisciple de Ravel, s'est montré particulièrement sévère avec le Boléro, alors qu'il estimait profondément le reste de l'œuvre de son confrère. Dans sa chronique musicale du Temps il critiqua à plusieurs reprises « cet inexplicable boléro tombé du purgatoire un jour de pluie, expression parfaitement adéquate de la commande pressée, erreur unique dans la carrière de l'artiste le moins sujet à l'erreur », le qualifia de « seule tache dans une collection unique » et affirma qu'il aurait « préféré, pour la gloire de Ravel, qu'il négligeât de [l]'écrire ». En 1939 encore, parlant des droits d'exclusivité dont avait joui Paul Wittgenstein sur le Concerto pour la main gauche, il déplora « que Ravel, qui s'entendait mal aux affaires, n'ait pas songé à lui offrir en otage son Boléro — dont la privation nous eût été moins amère ».
D’après Ravel, « c’est une danse d’un mouvement très modéré et constamment uniforme, tant par la mélodie que par l’harmonie et le rythme, ce dernier marqué sans cesse par le tambour. Le seul élément de diversité y est apporté par le crescendo orchestral ».
D'un seul mouvement, long de 340 mesures, le Boléro est divisé par Ravel en dix-huit sections numérotées de [1] à [18] (pour les besoins de la description, une section [0] implicite est rajoutée ci-après) qui correspondent à autant de séquences analogues. Le matériau, fort réduit, consiste en une unique cellule rythmique de deux mesures, constamment répétée, sur laquelle viennent se greffer, de façon séquentielle, deux mélodies de seize mesures chacune, elles-mêmes répétées selon un schéma précis.
L'architecture de l'œuvre, « si transparente au premier coup d'œil qu'elle n'appelle aucun commentaire », explique Claude Lévi-Strauss, « narre sur plusieurs plans simultanés une histoire en réalité fort complexe, et à laquelle il lui faut donner un dénouement ». Après une introduction de deux mesures rythmiques, chaque section de [0] à [17] comporte, dans cet ordre, une ritournelle de deux mesures où le rythme ressort au premier plan, et seize mesures de mélodie, séquentiellement un thème A et un contre-thème B présentés neuf fois chacun. La section [18] résout la neuvième et dernière entrée du contre-thème B. Introduite sans la ritournelle, elle est la seule à offrir une variation du phrasé thématique, à la fois tonale (mi majeur) et mélodique, sur huit mesures, après quoi le Boléro s'achève dans le ton principal d’ut majeur par deux fois deux mesures de ritournelle et deux mesures conclusives.
Réclamé Tempo di Bolero moderato assai (tempo de boléro très modéré), le tempo du Boléro est nettement inférieur à celui de la danse andalouse traditionnelle. Le compositeur semble avoir longtemps hésité sur l'indication métronomique exacte à donner à son œuvre :
Le rythme adopté par Ravel est un boléro caractéristique à trois temps (). La cellule rythmique du Boléro comporte deux mesures, la seconde étant une répétition de la première avec une variation minime dans le troisième temps.
Le rythme joue un rôle fondamental dans l'œuvre et associe deux motifs superposés, :
La mélodie du Boléro est entièrement diatonique. Elle comprend deux thèmes de seize mesures, subdivisés en un antécédent et un conséquent de huit mesures chacun. Son caractère incantatoire participe à la célébrité du Boléro, mais la structure relativement complexe des thèmes mélodiques a fait remarquer au musicologue Émile Vuillermoz que : « l’homme de la rue se donne la satisfaction de siffler les premières mesures du Boléro, mais bien peu de musiciens professionnels sont capables de reproduire de mémoire, sans une faute de solfège, la phrase entière qui obéit à de sournoises et savantes coquetteries ».
Le thème A est vierge de toute altération. Son ambitus est d’une neuvième majeure (de do3 à ré4 pour la flûte). La mélodie, très conjointe et richement syncopée, commence sur la tonique aiguë, descend d’abord en arabesque sur la dominante, puis, reprenant plus haut sur la sus-tonique, redescend en ligne sinueuse vers la tonique grave, semblant vouloir déborder de son cadre.
Le thème B a la même structure que le thème A. Son ambitus, de deux octaves et un demi-ton (soit une seizième mineure, de do2 à ré bémol4 pour le basson) est bien plus considérable. Très altéré, il approche le ton de la sous-dominante (fa) mineure sans jamais moduler, l'harmonie de l'accompagnement restant, par ailleurs, constamment construite sur l'accord de tonique. Le climax de la mélodie est atteint dans l'antécédent, avec la répétition insistante, neuf fois consécutives, de la note ré bémol, à la suite de quoi, par mouvements progressifs et conjoints, suggérant des modes exotiques (gamme andalouse), la mélodie suit une lente descente sur plus de deux octaves. Le conséquent du thème B, à l'octave inférieure, utilise les degrés de la gamme symétrique de do majeur en allant vers le grave. Le thème B offre ainsi une image en miroir du thème A, dont il est un contre-thème.
À sa neuvième et dernière exposition, le contre-thème s'interrompt à sa treizième mesure, où la note sol est tenue pendant quatre temps et demi avant d'aiguiller, via une redite du premier motif du conséquent sur deux mesures, vers une modulation inattendue en mi majeur. Le thème en mi, long de huit mesures, descend d'abord en arabesque de la dominante (si) à la tonique (mi) sur quatre mesures. Il ne s'exprime ensuite que sur le troisième temps, syncopant à quatre reprises la tonique, avant de s'achever sur un accord de do majeur qui annonce le retour à la tonalité principale et la conclusion de l'œuvre.
La ritournelle est la clé de voûte du Boléro. Elle sert d’introduction et de conclusion à l’œuvre, précède chaque entrée des thèmes et, répétée huit fois en arrière-fond des mélodies, leur sert d’accompagnement rythmique et harmonique. Longue de deux mesures, elle est composée :
Le Boléro est écrit pour orchestre symphonique. Parmi les bois, certains musiciens utilisent deux instruments de la même famille : le Boléro requiert deux piccolos, un hautbois d’amour, une petite clarinette en mi bémol, un saxophone soprano en si bémol. On retrouve aussi parmi les cuivres une petite trompette en ré.
Dans le cas de la petite trompette en ré, qui est prescrite par Ravel pour faciliter le jeu dans l'aigu de la trompette vers la fin de l'œuvre, elle est remplacée de nos jours par une trompette piccolo en la par la plupart des trompettistes. À l'époque où Ravel a composé son Boléro, la trompette piccolo n'existait pas encore, mais depuis son invention, plus tard dans le XXe siècle, elle a déclassé les autres trompettes autres que la trompette en ut et en si bémol. Certains instruments ne sont utilisés que le temps de quelques mesures : saxophone soprano, grosse caisse, cymbales, tam-tam.
Si le Boléro a été composé primitivement pour le ballet, sa suite de solos instrumentaux met en valeur les talents individuels mais aussi l’homogénéité collective de chaque pupitre, tous les membres de l’orchestre participant également à un accompagnement imperturbable. C’est la définition même d’un genre naissant à l’époque : le concerto pour orchestre. La rythmique et le caractère mélodique hispanisant, et même plus précisément andalou, se rapprochent également de l’esprit des compositions rhapsodiques très à la mode fin XIXe et début XXe siècle, dont participent notamment la Symphonie espagnole de Lalo (1874), le Capriccio espagnol de Rimski-Korsakov (1887), Iberia d'Albéniz (1905 - 1908), Le Tricorne de Manuel de Falla (1919), les Goyescas pour piano de Granados (1911) ou la Rapsodie espagnole de Ravel lui-même (1908).
De l'aveu de Ravel lui-même, le caractère expérimental du Boléro en fait une authentique étude d'orchestration. Selon Émile Vuillermoz, « dans le Boléro, Ravel semble avoir voulu transmettre à ses cadets une sorte de manuel d’orchestration, un livre de recettes leur apprenant l’art d’accommoder les timbres. Avant de quitter la scène pour aller à son rendez-vous avec la mort, ce Rastelli de l’instrumentation a exécuté avec le sourire la plus éblouissante et la plus brillante de ses jongleries ». Pour Olin Downes, « le morceau est en lui-même une école d'orchestration », et Charles Koechlin, dans son Traité de l'orchestration, confirme que « toute cette partition est à étudier en détail, pour l'équilibre et la gradation des sonorités ».
Le thème A est présenté neuf fois, toujours avec des instruments aigus, voire suraigus.
Les trois premières entrées du thème sont confiées à un seul instrument, à la même hauteur : la flûte pianissimo dans son registre grave, chaud et peu « sonore », la clarinette piano dans son registre médium, et enfin le hautbois d'amour renaissant mezzo-piano, dans son registre médium. Pour la quatrième exposition, c’est la trompette avec sourdine qui intervient mezzo-piano, doublée par le retour de la flûte à l’octave supérieure mais pianissimo, devant donc se fondre dans le timbre du cuivre bouché et créer ainsi une nouvelle sonorité.
La cinquième est la plus originale des combinaisons de l’œuvre : le cor solo est doublé sur deux octaves par le célesta (quinzième et vingt-deuxième), un piccolo joue le thème à la quinte (en fait la douzième) en sol majeur, l’autre à la tierce (en fait la dix-septième) en mi majeur ; avec un équilibre mezzo-forte pour le cor, piano pour le célesta et pianissimo pour les piccolos, Ravel renforce ainsi subtilement les premières harmoniques du cor. Ce passage a été loué pour son originalité par plusieurs critiques et musicologues, parmi lesquels Robert Brussel et Nicolas Slonimsky, selon lequel :
« Il y a un effet instrumental dans la partition du Boléro qui est unique. Il s'agit d'un changement de timbre imposé à l'instrument soliste, le cor, par la mise en avant de ses harmoniques naturels confiés aux deux petites flûtes. L'une donne le troisième partiel, et l'autre le cinquième. De fait, les parties de piccolo sont écrites en sol majeur et en mi majeur, lorsque le thème est en ut majeur. L'effet obtenu n'est pas une succession d'accords parallèles majeurs, mais l'enrichissement des partiels correspondants à chaque note de la mélodie du cor. Ravel indique pianissimo pour le piccolo en mi majeur, et mezzo-piano pour celui en sol, pour imiter la puissance relative des harmoniques naturels, pendant que le cor joue mezzo forte. Si ce passage était correctement interprété, le cor subirait un changement dans la couleur du timbre qui étonnerait jusqu'à l'interprète. Malheureusement, les nuances indiquées par Ravel sont rarement respectées, et on permet aux piccolos de jouer fort, ce qui détruit l'effet souhaité par le compositeur. »
La sixième combinaison associe mezzo-forte le cor anglais et la deuxième clarinette à l’unisson en do majeur, doublés à l’octave par le hautbois et la première clarinette ; c’est le hautbois d’amour cette fois qui renforce la quinte en jouant en sol majeur. Les trois dernières expositions impliquent pour la première fois les violons, d’abord en jeux d’octaves avec les petits bois, puis, divisées dans les pupitres, en jeux de tierces et de quintes avec le cor anglais et le saxophone ténor en sus, le tout forte. La dernière, fortissimo, toujours en jeux de tierces et de quintes, rassemble les premiers violons, les flûtes, le piccolo et, en apothéose, la petite trompette en ré et les trois autres voix de trompette, la trompette piccolo étant à l’octave de la troisième trompette, la deuxième et la première respectivement à la tierce et à la quinte.
Le thème B, présenté également neuf fois, utilise les registres aigus voire suraigus d’instruments graves, mais aussi des instruments parmi les plus aigus. Les cinq premières expositions sont confiées à des instruments solistes : le basson, dans son aigu, registre virtuose, la petite clarinette mi bémol avec son timbre perçant, le saxophone ténor sur toute sa courte étendue, le saxophone sopranino, qui, n’ayant pas une tessiture assez grande, laisse la place au saxophone soprano pour les quatre dernières mesures, et enfin le trombone poussé dans ses extrémités les plus hautes, solo toujours redouté par ces instrumentistes. Comme pour le thème A, les quatre dernières présentations se caractérisent par une alternance entre des jeux d’octaves et des jeux de tierces et de quintes ; d’abord aux petits bois, suivis des cordes et de la première trompette, puis des cordes et du premier trombone, la dernière phrase et sa modulation sont confiées à un tutti de flûtes, saxophones, cuivres clairs et premiers violons.
Les vingt ritournelles r de deux mesures s’enrichissent progressivement d’un ou plusieurs instruments d’abord en alternance, puis par accumulation. Certains reprennent le rythme lancinant de la caisse claire comme la deuxième flûte sous le solo de clarinette ou les deux bassons se relayant sous le hautbois d’amour, d’autres soulignent la carrure ne jouant que les temps comme la harpe, tous les pizzicatos des cordes ou les trombones et le tuba sur les dernières phrases. La première ritournelle, répétée une fois dans un pas à peine perceptible, introduit l’œuvre pianissimo ; chaque nouvelle ritournelle est orchestrée différemment, s’élargissant, s’enrichissant et participant à l’effet de crescendo par palier, jusqu'à la dernière ritournelle, jouée deux fois fortissimo par tout l’orchestre sous le fracas des percussions (timbales et, en alternance sur chacun des trois temps, grosse caisse, cymbales et tam-tam) et avec d'impressionnants glissandos de trombones, précédant de peu l’effondrement final.
Ce guide d'écoute du Boléro de Ravel est destiné à la compréhension de la structure de l’œuvre et à la reconnaissance des timbres instrumentaux.
D'un point de vue formel, le Boléro n'a pas de précédent dans l'histoire de la musique. Pour Michel Philippot, « si le Boléro dut son succès à la répétition incantatoire d'une même ligne mélodique, le génie de son auteur réside en la variation perpétuelle de l'instrumentation et de l'orchestration qui, remplaçant les développements traditionnels, en font l'une des œuvres les plus originales du début du XXe siècle ».
Dans sa critique du 29 novembre 1928, Émile Vuillermoz a affirmé que Ravel venait « de créer une formule inédite de composition musicale : le « thème et variations » sans variations, ou du moins avec variations de couleur. (...) un genre qui n'est évidemment pas à la portée de tous les musiciens, car la rhétorique ne vient plus ici au secours du compositeur ». Pour Vladimir Jankélévitch, le fait d'avoir rendu l'uniformité supportable par le seul jeu de la couleur instrumentale est une démonstration originale de « variété de la monotonie », tandis que le Boléro participe selon lui d'une « richesse de la pauvreté » et d'une « esthétique de la gageure » qu'Arthur Honegger déjà avait notée. Une autre gageure, instrumentale celle-là, est notée par le musicologue Roger Nichols, pour qui le Boléro est « l'Everest du joueur de caisse claire » et, dans le solo suraigu de la onzième entrée mélodique, la hantise des trombonistes'. La mélodie du Boléro est entièrement originale, à l'exception du dernier motif du contre-thème, que Ravel avait déjà utilisé, dans une tonalité différente, dans la Feria de la Rapsodie espagnole. Roger Nichols décèle l'influence de Saint-Saëns dans le passage en harmonique de la neuvième entrée de la mélodie. Concernant l'effet de montée orchestrale obtenu à la modulation, Jacques Chailley établit un parallèle entre le Boléro et l'ouverture du Corsaire de Berlioz.
Le musicologue Serge Gut a analysé en 1990 l'utilisation ravélienne de la répétition, notamment rythmique, dont il trouve des exemples dès la Habanera pour deux pianos, œuvre de jeunesse du compositeur (1895), et qu'il met également en évidence dans Le Gibet (1908), dans la bacchanale finale de Daphnis et Chloé (1912) et dans La Valse (1919). Pour Gut, le Boléro se singularise toutefois en ce que « le phénomène répétitif atteint ses plus extrêmes conséquences puisqu'il touche les trois paramètres principaux de l'écriture musicale : le rythme, la mélodie et l'harmonie ». La répétition et l'amplification sonore d'un thème mélodique avaient déjà été expérimentées par d'autres compositeurs, par exemple par Ludwig van Beethoven dans la première partie de l’Allegretto de la Septième symphonie, et par Claude Debussy dans le second de ses Nocturnes pour orchestre. Ravel réutilisa ce procédé, de façon beaucoup plus limitée, dans la seconde partie du Concerto pour la main gauche, où le thème est repris et amplifié sur fond de rythme binaire immuable. La répétition formelle musicale préexiste également au sein de la Musique d'ameublement d'Erik Satie. Là où le Boléro de Ravel exploite la redite musicale tout en effectuant des variations, Satie propose une itération mélodique, harmonique et rythmique strictement invariable, notamment avec des pièces comme Tapisserie en fer forgé (1917) ou Tenture de cabinet préfectoral (1923), qui étaient destinées à être jouées afin de « meubler » le silence.
Le Boléro est, parmi ses propres œuvres, une de celles que Ravel a le plus commentées et la seule pour laquelle il reconnut avoir relevé le défi qu’il s’était fixé. S'il trouva à redire sur l'emploi du hautbois d'amour, il affirma sans ambigüité dans un entretien accordé à Candide le 5 mai 1932 : « une seule fois je suis parvenu à réaliser complètement mes intentions : dans le Bolero ». Quelques mois plus tôt, le 30 octobre 1931, il avait confié dans un entretien donné à Excelsior qu'il affectionnait particulièrement ses Chansons madécasses et son Boléro, « l'œuvre qu'il a pleinement réalisée et qui lui a permis d'atteindre tout à fait le but qu'il s'était proposé ».
S'étant lui-même imposé les contraintes de la rigidité rythmique et de la répétition mélodique, Ravel était conscient de l'originalité de sa partition. Mais devant son succès inattendu au concert, il chercha systématiquement à minimiser la portée d'une œuvre qu'il regardait comme une simple expérience. Il expliqua à Émile Vuillermoz que le seul intérêt du Boléro était la découverte d'une écriture consistant en « une répétition monotone imposée jusqu'au malaise » avec une instrumentation variée à chaque reprise, et il ajouta : « Une fois l'idée trouvée, n'importe quel élève du Conservatoire aurait réussi ce morceau aussi bien que moi ». À Arthur Honegger il confia ironiquement : « Je n'ai fait qu'un chef-d'œuvre, c'est le Boléro ; malheureusement il est vide de musique ». Et à partir de 1930, sans cesse sollicité, il ressentit le besoin de préciser ses intentions quant à la signification de son œuvre :
Ce détachement apparent n'empêcha pas Ravel de se montrer particulièrement vigilant à la façon dont son Boléro était exécuté. Il fut intraitable sur le respect rigoureux du tempo moderato assai, deux fois plus lent que celui du boléro traditionnel, singularité qu'il justifia par cette explication paradoxale donnée au musicologue Paul Bertrand en 1930 : « Joué vite, le morceau paraît long, alors qu'exécuté plus lentement, il semble court ». Willem Mengelberg et Arturo Toscanini, deux chefs pourtant très respectés de Ravel, firent les frais de cette inflexibilité :
La pianiste Marguerite Long confirma dans ses mémoires que :
Comme on l’interrogeait sur l’argument du ballet, Ravel répondit de façon inattendue qu’il situait le Boléro dans une usine (l’usine du Vésinet d’après son frère) et qu'il aurait aimé le donner un jour « avec un vaste ensemble industriel en arrière-plan ». Interrogé en 1932 sur les sources d'inspiration de son Concerto en sol, il revint au Boléro en expliquant : « Une bonne part de mon inspiration vient des machines. J'aime me rendre dans des usines et voir de grandes installations au travail : cela a quelque chose de prenant et de grandiose. C'est une usine qui a inspiré le Boléro. Je voudrais qu'on le danse toujours devant un décor usinier. »
Claude Lévi-Strauss a écrit : « Même si Ravel définissait Boléro comme un crescendo instrumental et feignait de n'y voir qu'un exercice d'orchestration, il est clair que l'entreprise recouvre bien d'autres choses ; qu'il s'agisse de musique, de poésie ou de peinture, on n’irait pas bien loin dans l’analyse des œuvres d’art si l’on s’en tenait à ce que leurs auteurs ont dit ou même cru avoir fait ». De fait cette œuvre est l'objet, depuis des décennies, de différentes tentatives d'interprétation.
Du point de vue musicologique, le Boléro de Ravel a donné lieu à des analyses qui pointent son aspect régressif, voire destructeur des principes qui avaient fait, depuis des siècles, la musique occidentale : la tonalité, le développement, l'harmonie et la variation. Marcel Marnat le qualifie ainsi d'anti-musique et considère que Ravel y sacrifie « les dernières prétentions de survie de la musique tonale ». Serge Gut entend démontrer que le Boléro détruit tout principe d'harmonie en la réduisant à l'accord parfait renversé de do majeur. Selon Claude Lévi-Strauss, qui consacre plusieurs pages de son ouvrage L'homme nu à une analyse du Boléro, cet anéantissement est résumé tout entier dans la grande dissonance de l'avant-dernière mesure, qui « signifie que désormais plus rien n'a d'importance, du timbre, du rythme, de la tonalité ou de la mélodie ».
La force de suggestion du rythme, du crescendo et de la modulation finale combinés a suscité des commentaires dès les premières auditions du Boléro. Sollicité à ce sujet, le compositeur reconnut que son œuvre avait un caractère « musico-sexuel », confidence surprenante venant d'un homme qui ne livrait que rarement les principes de sa musique. Roger Nichols observe, comme Arbie Orenstein, que Ravel possédait chez lui les œuvres complètes de Casanova, et relève que le fandango, danse à la sensualité longtemps jugée obscène et admirée de l'écrivain vénitien, était la première idée retenue par le compositeur pour le ballet,.
Les observateurs des premières représentations du ballet ont donné un témoignage direct de la sensualité de la chorégraphie imaginée par Bronislava Nijinska,, André Levinson décrivant pour Comœdia, dans sa critique du 25 novembre 1928, « vingt mâles fascinés par l'incantation charnelle d'une seule femme », le premier danseur qui « rampe et se tord, martyrisé par le rut et le rythme », rejoint par ses compagnons jusqu'au point culminant « où les hommes érigent dans les airs, de leurs bras tendus, leur blanche proie ». Dans Le Ménestrel du 17 janvier 1930, le critique Pierre de Lapommeraye a rapporté une impression similaire après la première du Boléro au concert, dirigée par Ravel quelques jours plus tôt. Comparant les instruments eux-mêmes à des danseurs, il expliqua : « Il y a comme une sorte d'hallucination, les corps s'enlacent, une ivresse vertigineuse envahit la posada, les yeux brillent, les lèvres sont plus rouges, les talons frappent le plancher, la salle est pleine, on se bouscule, on clame le boléro, ce n'est plus de l'ivresse, c'est une saoulerie, la chaleur est étouffante ; après le fracas de quelques mesures de batterie tonitruantes, les corps s'écroulent de lassitude, dans une sorte de torpeur lascive et sensuelle. Et M. Maurice Ravel, qui seul a gardé son sang-froid, du haut de son estrade rit de son ouvrage ».
La violoniste Hélène Jourdan-Morhange a témoigné du pouvoir suggestif que le Boléro pouvait exercer sur le public : « Cette force de crescendo, cette volonté lancinante du thème donnent à leur satiété le goût du désir. La contagion voluptueuse naît sournoisement dans la salle, et quand, dans un déchirement modulé, tous les cuivres proclament la libération de la tonalité prisonnière, les dos ont quitté l'appui des fauteuils, les respirations se font moins retenues, les cous se tendent, les yeux cherchent à découvrir la source du plaisir ». Le compositeur Michel Sendrez, paraphrasant Diderot, qualifie les glissandos de trombone de la conclusion de « cri animal de la passion », et le philosophe américain Allan Bloom a écrit : « Les jeunes savent bien que le rock a le rythme d'un rapport sexuel. C'est pourquoi le Boléro de Ravel est en général la seule œuvre de musique classique qu'ils connaissent et qu'ils aiment ».
Un axe de lecture bien différent voit parfois dans le Boléro, comme le fait André Suarès, une « sorte de danse macabre ». Sa progression mécanique, son rythme, sa répétition et son crescendo inexorables en font pour plusieurs auteurs une œuvre inquiétante et tourmentée, irrésistiblement vouée à son effondrement final. On sait qu'au sujet d’une dame qui criait « Au fou ! » après avoir entendu l’œuvre, Ravel affirma : « Celle-là, elle a compris ». Prenant au sérieux cette réponse, Serge Gut estime que « par delà la folie, le Boléro est une sorte de danse sur le volcan qui se veut aussi être une danse de la fin du monde, à tout le moins, de la fin d’un monde ». Suivant un raisonnement analogue, Marnat considère que le thème devient « intoxicant » à force de répétition et que « cette musique venue d'un Orient de pastorale aboutit à la plus hurlante des apocalypses ». La modulation finale elle-même, regardée comme un événement libérateur par Jankélévitch et Vuillermoz, est comprise par Gut comme un sursaut désespéré qui ne fait que retarder la reprise inéluctable de la ritournelle, plus violente que jamais, et l'effondrement final. À cet égard la progression dramatique et le long crescendo final de La Valse, achevée huit ans plus tôt et dont Ravel avait expliqué la dimension fatale, peuvent être regardés comme des préfigurations du Boléro,,. Dans des ouvrages plus récents, des écrivains ont commenté le Boléro sous cet angle, parmi lesquels Echenoz, qui y voit un « suicide dont l’arme est le seul élargissement du son », et Le Clézio, pour qui « quand il s'achève dans la violence, le silence qui s'ensuit est terrible pour les survivants étourdis ».
André Suarès pense déceler dans le Boléro « l'image sonore du mal qui a peut-être tourmenté Ravel toute sa vie, et qui, à la fin, devenu si affreux, si cruel, après s'être emparé de son cerveau, s'est rendu maître de tout son corps ». Quelques travaux de recherche suggèrent que la maladie cérébrale progressive qui se déclara chez le musicien à partir de 1933 a pu avoir déjà, quelques années plus tôt, une influence sur son processus créatif, et que cette influence est perceptible notamment dans le Boléro et le Concerto pour la main gauche,. Cette hypothèse est critiquée, à la fois par des neurologues et par des musicologues. Nichols fait remarquer que Ravel avait manifesté dès 1924 l'intention d'écrire un poème symphonique sans sujet, dont tout l'intérêt serait tourné vers le rythme. Ravel lui-même a déclaré que le principe du Boléro avait germé en lui plusieurs années auparavant et a clairement exprimé qu'il avait pleinement réalisé ses intentions dans cette œuvre,, ce qui laisse supposer un choix stylistique délibéré. Enfin on peut observer que le Concerto en sol, qui est postérieur au Boléro et contemporain du Concerto pour la main gauche, échappe à ces analyses.
Le Boléro a été édité la première fois par les éditions Durand en 1929. Ravel avait cédé à son éditeur, par contrat daté du 16 octobre 1928, la propriété pleine et entière du Boléro et de sa transcription pour piano à 4 mains contre la somme de vingt mille francs et la perception du tiers des droits d'exécution publique. Ce contrat prévoyait l'exclusivité des droits pour les éditions Durand jusqu'à l'expiration des droits d'auteur du compositeur, effective en France depuis mai 2016.
Le manuscrit autographe complet de 1928, document à l'encre noire de 76 pages dont 38 de musique, porteur de plusieurs indications et annotations rajoutées par Ravel et Lucien Garban en vue de l'édition, est conservé à la Morgan Library à New York (R252.B688).
Une esquisse préparatoire du Boléro, manuscrit au crayon de 31 pages comportant des ratures et des passages gommés, a été acquise lors d'une vente publique le 8 avril 1992 par l'État français, usant de son droit de préemption, pour la somme de 1,8 million de francs. Elle était auparavant conservée dans les archives de Lucien Garban. La Bibliothèque nationale de France en est dépositaire (MS-21917).
Le manuscrit autographe de la réduction du Boléro pour piano à 4 mains est conservé au Metropolitan Museum of Art de New York, dans la collection Robert Lehman. La British Library en a été dépositaire de 1981 à 1986 dans le cadre d'un échange (Zweig MS-74).
Ravel a lui-même composé deux réductions pour piano de son Boléro, l’une à deux mains et l’autre à quatre mains. Elles sont très rarement jouées en public.
Les arrangements populaires de cette œuvre sont légion. Les sœurs Labèque ont enregistré en 2006 une version modifiée pour deux pianos de l’arrangement de Ravel, en lui ajoutant des percussions basques, recréant l’effet rythmique saisissant de la partition originale. On ne compte plus les adaptations du Boléro en jazz et en blues.
En 1946, Salvador Dalí peint Le Boléro de Ravel à la demande de la Capehart Corporation, qui lui avait proposé — ainsi qu'à quelques autres artistes — d'interpréter plastiquement une pièce musicale. Aujourd'hui, le tableau appartient à une collection privée depuis sa revente par Capehart en 1990.
En octobre 1930, le jeune compositeur Tony Aubin a écrit dans une critique pour Le Ménestrel : « Le public attend toujours une œuvre nouvelle de M. Ravel avec une admiration pleine de curiosité ; surtout cette fois-ci où une notice de l'auteur annonçait avant tout « l'obsession d'un rythme et nulle intention pittoresque ». Or, l'obsession est l'ennemie des esprits distingués. Il faut même qu'elle touche quelque peu à la folie ou du moins qu'elle y fasse penser. Mais l'art de M. Maurice Ravel est tellement parfait, sa rigueur est tellement souriante qu'on pourrait entendre dix fois de suite le Boléro sans se départir du plus heureux sang-froid. Telle est la suprême habileté des moyens que la fin proposée est irréalisable. Et comment supposer un instant de lassitude en entendant Ravel ? Que ce magicien de l'orchestre ne compte pas sur la moindre obsession – ce serait presque de la coquetterie. ».
Dans un article de La Revue musicale de décembre 1938, le musicologue Fred Goldbeck estime que « la popularité de l'art de Ravel repose, comme toujours lorsqu'il s'agit de grand art, sur quelques bons malentendus, et sur le solide incognito dont cet art sait se revêtir ». Selon la violoniste Hélène Jourdan-Morhange, « si le Boléro n'a pas la plus belle place dans notre cœur, soyons lui reconnaissants d'avoir donné aux plus simples le goût de la musique de Ravel, la curiosité de connaître toute son œuvre et d'avoir éclairé d'une lumière plus intense le nom de ce génie si français ».
En 1931, Intégrales d'Edgard Varèse offre un hommage purement musical, par le biais d'« une pièce rapportée, un hommage au Boléro de Ravel, une citation » confiée à la trompette et aux cors dans la quatrième section de la partition. Conservée à la bibliothèque d'Études et du Patrimoine, à Toulouse, l'œuvre de Serge Chamchinov Maurice Ravel: Boléro représente un hommage graphique à Maurice Ravel sous forme d'un livre d'artiste.
Le critique Edward Robinson, qui prédisait en 1932 que Ravel serait oublié dix ans après sa mort, a écrit : « Je retiens le Boléro comme la plus insolente monstruosité jamais perpétrée dans l'histoire de la musique. Du début à la fin de ses 339 mesures, ce n'est simplement que l'incroyable répétition du même rythme [...] avec la récurrence implacable d'un air de cabaret, d'une accablante vulgarité, qui n'a rien à envier, pour l'essentiel de son caractère, aux hurlements d'un chat tapageur dans une ruelle sombre. » Ce jugement a été retenu par Nicolas Slonimsky pour ces comparaisons excessives, dans son Lexicon of Musical Invective (Lexique d'invectives musicales), anthologie de critiques négatives appliquées à des œuvres de musique classique reconnues par la suite comme des chefs-d'œuvre.
Depuis le début du XXIe siècle, le Boléro donne lieu à un nombre important de flash mobs dans des lieux très divers (places publiques, rues, gares, musées, centres commerciaux, etc), sur la plupart des continents.
Le Boléro de Ravel a annoncé la musique répétitive américaine des années 1960 (Terry Riley, Steve Reich) et tout un pan de ce que depuis la fin du XXe siècle on nomme la musique classique post-moderne : souci de popularité en restant dans le domaine tonal, goût pour le concret, rejet d’un lyrisme trop intime, travail sur la matière sonore à l’intérieur de ce cadre, grâce aux variations.
Le Boléro de Ravel a aussi donné le nom au groupe Les Blérots de R.A.V.E.L..
Le Boléro de Ravel a également été à l'origine du nom d'une association belge de cyclisme : Le Beau vélo de RAVeL, le RAVeL étant un réseau wallon de voies réservées aux usagers lents, c'est-à-dire non motorisés : piétons, cyclistes, personnes à mobilité réduite, patineurs, cavaliers.
Dans son double album en concert The Best Band You Never Heard in Your Life, Frank Zappa reprend le Boléro de Ravel en reggae.
La chanson Dans tes bras de Charles Aznavour sur l'album Aznavour 2000 emprunte une orchestration très similaire au Boléro.
Au Canada, au Japon et dans les pays observant un délai de 50 ans post mortem, le Boléro, comme toutes les œuvres de Ravel, est entré dans le domaine public le . Aux États-Unis, le Boléro de Ravel est protégé jusqu'en 2024. Dans les pays de l'Union européenne observant un délai de 70 ans post mortem, le Boléro, comme toutes les œuvres de Ravel, est entré dans le domaine public le .
En France, jusqu'en 1993, le Boléro est resté à la première place du classement mondial des droits à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem). En 2005, c'était encore la cinquième œuvre musicale française la plus exportée bien que n'étant pas à cette date dans le domaine public. Il rapporterait chaque année environ 1,5 million d’euros de droits. La gestion des colossales retombées économiques du Boléro, qui dépasseraient les 46 millions d’euros entre 1970 et 2006, est l'objet de polémiques,. Ravel étant mort sans enfants, la lignée d’héritage des ayants droit est extrêmement complexe. Depuis au moins 1970, les droits sont perçus au travers de sociétés légalement enregistrées à l'étranger (Monaco, Gibraltar, Amsterdam, Antilles néerlandaises, îles Vierges britanniques) : un consortium conçu et dirigé par Jean-Jacques Lemoine, aujourd'hui décédé, qui avait auparavant occupé les fonctions de directeur-adjoint des affaires juridiques de la Sacem,. Sur ses conseils, en France, la Sacem a continué à percevoir des droits jusqu'au , invoquant les prorogations de guerre dues à la Seconde Guerre mondiale, qui auraient allongé la durée des droits d'auteur de 8 ans et 120 jours (soit 3 042 jours écoulés entre le et le ), la faisant passer du au .
En 2016, les héritiers contestent à nouveau l'entrée du Boléro dans le domaine public en France, arguant de ce que le Boléro ayant initialement été créé comme un ballet, il s'agit d'une œuvre de collaboration, dont la protection s'étend jusqu'à la fin des droits de tous ses co-auteurs, donc en y incluant la chorégraphe Bronislava Nijinska et le décorateur Alexandre Nikolaïevitch Benois, respectivement morts en 1972 et 1960. L'échéance du domaine public serait alors repoussée de vingt nouvelles années. La Sacem a cependant rejeté ces nouvelles prétentions, rendant publique l'œuvre le .
Une nouvelle fois, les héritiers font un procès le 14 février 2024 pour conserver leurs droits sur la musique ; le jugement sera rendu le 24 juin,.
Les versions de qualité de cette œuvre sont nombreuses, voici citées quelques-unes des plus remarquables :
Le Ballet du XXe siècle est une compagnie de ballet fondé à Bruxelles en 1960 par Maurice Béjart et active jusqu'en 1987 en résidence au théâtre royal de la Monnaie en Belgique.
En 1959, le directeur de la Monnaie, Maurice Huisman, a programmé huit soirées de ballet, du 8 au , au cours desquelles se succèdent le Ballet du Théâtre royal de la Monnaie, le Ballet de Milorad Miskovitch, le Western Theatre Ballet et le Ballet-Théâtre de Maurice Béjart, accompagnés par l'Orchestre du « Théâtre Royal de la Monnaie ». Béjart y donne pour la première fois son Sacre du printemps. Huisman avait été impressionné par Arcane(II), ballet que Béjart avait montré en pendant l'Exposition universelle. Le Sacre est un triomphe et Huisman décide d'associer ce jeune trentenaire à la destinée de l'Opéra de Bruxelles.
En 1987, en désaccord avec le directeur de La Monnaie, Gerard Mortier, Béjart quitte en pleine tournée internationale l'institution bruxelloise, dissout les Ballets du XXe siècle, et fonde moins de six semaines plus tard à Lausanne, qui l'accueille désormais, le Béjart Ballet Lausanne, grâce à la Fondation Philip Morris. L'école de danse Mudra attachée au Ballet du XXe siècle est fermée également et Béjart ouvre une nouvelle école qu'il baptise Rudra.
Outre le corps de ballet du Théâtre de la Monnaie, en 1959 les rôles principaux sont interprétés par :
Le est le 287e jour de l'année du calendrier grégorien, 288e lorsqu'elle est bissextile (il en reste ensuite 78).
C'était généralement l'équivalent du 23 vendémiaire du calendrier républicain français, officiellement dénommé jour du navet.
Saints du jour, :
Saints et béatifiés du jour :
Outre les saints œcuméniques voire pré-schismatiques ci-avant, aux dates parfois "juliennes" / orientales...
Bonne fête aux Juste et ses variantes voire dérivés : Just voire Justin, Justine, etc.
Et aussi aux :
« À saint-Calixte, il n'y a plus de fleur à calice. ».
Les noms de plusieurs voies, places, sites ou édifices de pays ou provinces francophones contiennent cette date sous diverses graphies éventuelles : voir Quatorze-Octobre .
Milorad Miskovitch (en serbe Милорад Мишковић, Milorad Mišković ; né à Valjevo le et mort à Nice le ,) est un danseur français d'origine yougoslave.
Après avoir étudié à Belgrade, puis à Paris avec Boris Kniaseff et Olga Preobrajenska, il débute à l'Opéra de Belgrade en 1945. En 1947 il danse avec le Ballet des Champs-Élysées, l'International Ballet et les Ballets russes du colonel de Basil. Il danse ensuite au Grand Ballet de Monte-Carlo du marquis de Cuevas (1948) et aux Ballets de Paris de Roland Petit (1949). Après un passage aux ballets de Janine Charrat au London Festival Ballet (1952), il fonde sa propre compagnie, les Ballets Miskovitch, en 1956.
Il créa, en 1957, le Ballet Prométhée chorégraphié par Béjart, qui lui valut le Prix du meilleur interprète danseur.
En 1975 - directeur artistique pour les Ballets du 20e siècle. En 1977 - directeur de la Compagnie de Ballet du Théâtre Populaire de Reims.
Il devient en 1988 Président du Conseil International de la Danse CID-UNESCO, après avoir été conseiller artistique et Directeur de l’animation culturelle à l’UNESCO.
Josette Amiel, Nada Aranđelović, Sonia Arova, Tessa Beaumont, Maja Bezjak, Jovanka Bjegojević, Vesna Butorac, Joan Cadzow, Janine Charrat, Yvette Chauviré, Daniele Darmor, Lycette Darsonval, Liane Daydé, Lia Delara, Višnja Đorđević, Margot Fonteyn, Carla Fracci, Maina Gielgud, Beryl Grey, Melissa Hayden, Rossella Hightower, Mona Inglesby, Renée-Zizi Jeanmaire, Liliana Cosi, Nina Kirsanova, Vera Kostić, Natalia Krasovska, Colette Marchand, Erika Marjaš, Alicia Markova, Yvonne Meyer, Veronika Mlakar, Janine Monin, Genevieve Moulin, Nicole Nogaret, Ethéry Pagava, Lidija Pilipenko, Laura Proenca, Jasmina Puljo, Tatiana Riabouchinska, Anna Razzi, Elsa Marianne von Rosen, Mira Sanjina, Mrinalini Sarabhai, Duška Sifnios, Irène Skorik, Mia Slavenska, Claire Sombert, Marjorie Tallchief, Ludmila Tcherina, Ghislaine Thesmar, Dušica Tomić, Hélène Trailine, Violette Verdy, Nina Vyrubova, Belinda Wright, Monique Arabian.
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